Catherine, enfin un jeu débridé version next-gen ?

Les ludothèques occidentales souffrent d’une pudeur tout droit issue du puritanisme de l’oncle Sam. Quelques titres ont tenté de surprendre en éveillant nos sens adolescents il y a quelques années, notamment avec la série des Larry mais jamais un jeu n’a vraiment pu mêler volupté et ingéniosité. Catherine a débarqué sur notre marché sur la pointe des pieds. D’abord annoncé et sorti au Japon, ce n’est que quelques mois plus tard, en février 2012, que nous avons pu y goûter. Alors, hot or not ?

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Katherine, l’amoureuse légitime du héros…

C’est quoi cet OVNI ?

Ouverture : « Je tiens ce monde pour ce qu’il est, un théâtre où chacun doit jouer son rôle. » William Shakespeare.

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Des boss pour le moins « léchés »…

Dès l’entame du jeu, une présentatrice sexy annonce le spectacle à venir. Le ton est lancé. L’introduction à peine digérée, on a déjà droit à un croisement entre la folie de Baz Luhrmann, le verbe de Shakepeare, l’envoutement de Donnie Darko et l’atmosphère inconfortable de David Lynch. Vous l’aurez compris, toutes ces références cinématographiques vous plongent dans une expérience vidéoludique aux accents narratifs. Inutile de vous le cacher, Catherine est ambitieux, se vend comme un film et veut vous mettre à l’aise. Qu’en est-il de cette invitation au plaisir et à la volupté ?
Vincent, trentenaire peinard et peu ambitieux est confronté à la réalité de la vie et surtout, de la femme. Il va devoir répondre aux exigences de sa compagne, Katherine, tout en résistant aux tentations éternelles telles que l’alcool, l’oisiveté entre amis et une femme fatale nommée Catherine. Cette fille s’apprête à hanter sa vie, ses nuits et son âme…

On joue comment dans ton film ?

Le scénario est calmement posé, les personnages sont présentés, place au jeu. Catherine est un jeu

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Ce qu’il risque de vous arriver…

de stratégie, simple et efficace. Votre personnage, Vincent, passe son temps libre au café du coin ou dans sa chambre.
Lorsqu’il est au bistrot, il peut boire un verre, discuter avec ses amis, consulter son GSM ou jouer avec la borne d’arcade locale. Ce tamagotchi humain est sympa, vous permet de découvrir certaines facettes du scénario et vous donne une minuscule influence sur l’évolution du jeu. On a l’impression de jouer à une version bridée des Sims, c’est sympa mais pas existentiel.

La nuit par contre, lorsqu’il rentre chez lui, Vincent souffre de cauchemars. Ces derniers l’emportent dans une immense tour à escalader afin d’échapper à tous ses démons refoulés au cours de la journée. Cette tour se divise en différents stages, composés de blocs instables. Armé de son oreiller, le trentenaire torturé doit grimper sur ces blocs, en veillant à ne pas tomber. C’est ici que le jeu vidéo s’exprime. Vous devrez en effet atteindre votre objectif en un temps limité, tout en récoltant un maximum de pièces synonymes de high-score, sans négliger les objets bonus qui jonchent votre chemin. Pour corser l’exercice, vous croiserez des moutons en perdition dont le but est également d’atteindre le sommet.

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Vous ne serez pas seuls dans les couloirs de vos angoisses

La clé du gameplay réside dans la stratégie utile pour passer d’un cube à l’autre. En effet, les cubes ont des propriétés différentes qui rendent l’escalade de plus en plus périlleuses. Vous pouvez déplacer les blocs mais chaque mouvement risque d’entrainer la chute d’un ou plusieurs autres. Ils se maintiennent les uns les autres dans la mesure où ils partagent une arête commune. Si ce lien est rompu, le bloc tombe, entrainant avec lui les autres blocs s’appuyant sur ce dernier.
Ajouter à cela les boss ultra déjantés à vos trousses pour les final stages et vous imaginez le casse-tête chinois qui vous attend. Le concept est fun, le scénario nourrit l’idée et motive l’évolution mais certaines fausses notes viennent malheureusement un peu gâcher ce joli tableau.

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Les boss à vos trousses ajoutent du piment à la course

Les déplacements du personnage sont extrêmement irritants lorsqu’il est suspendu à un bloc. S’il passe derrière celui-ci, on ne le tient plus en visuel. Cela peut être particulièrement handicapant, surtout en phase de stress dans les final stages. De plus, il est parfois difficile de saisir la logique des déplacements, lorsque le changement de vue automatique place la caméra entre deux vues. On sera trop souvent pris entre le fait de devoir pousser vers la gauche pour grimper sur le cube ou simplement longer celui-ci. Cet aléa augmente la difficulté mais irrite également quand on est à deux doigts de clôturer une escalade dantesque, après avoir évité un nombre incalculable de difficultés. Certes, vous avez la possibilité de revenir à votre dernière manœuvre en mode facile, et des check points sont placés à la moitié des étapes, mais il faut s’accrocher !
Entre ces étapes « d’escalade », vous serez soumis à certaines questions indiscrètes, dans le confessionnal de vos pensées. Vos réponses sont d’ailleurs mises en comparaison avec celles des  autres joueurs online, c’est anecdotique mais astucieux et intéressant.

Le jeu jouit-il de courbes aussi flatteuses que celles de Catherine ?

La partie manga animé est très réussie. Les graphismes sont somptueux, le travail de réalisateur est soigné et de très bonne facture. Au cours du jeu, les graphismes sont aussi très jolis et les effets de poussière et de lumières nous prouvent qu’on est bien sur du next-gen.
Les musiques sont elles aussi formidables. Elles contribuent à instaurer une atmosphère pesante et torturée. Les références sont nombreuses, on passe du Jazz, au hip-hop en passant par des mélodies plus classiques.
Je regrette les temps de chargement entre les stages qui même s’ils ne sont pas outrageusement longs, ralentissent l’évolution et la narration du film.

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Catherine… la Blonde, source des soucis de notre héro

Et le scénar, il tient la route ?

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Grimpez, grimpez…

Le scénario est la clé du jeu. C’est révolutionnaire pour un jeu de stratégie. Imaginez-vous un instant qu’une partie de Tetris vous emmènent au plus profond de votre psycho et éveille en vous des questions existentielles auxquelles vous n’auriez peut-être encore jamais pensé ? Les thèmes abordés concernent tous les adultes qui s’essayeront à cette aventure. Mariage, amitié, fidélité, violence, amour, projets, tout y passe ! C’est la force du jeu. Certains s’interrogeront sur l’objet de cette narration, d’autres y verront une réelle introspection thérapeutique, d’autres une lecture Freudienne interactive ou encore tout simplement un manga illustrant des personnages perturbés et des filles affriolantes.
Peu importe, quelle que soit la finalité de l’expérience, elle vaut le coût, ne serait-ce que par curiosité de rencontrer ce genre de scénario dans un jeu vidéo.

Happy end ou tragédie ?

Ce jeu est tellement particulier et anticonformiste qu’il gagne à être testé. Il fait preuve d’une ambition sans nom, mélange les genres,  dérange de par sa trame, est beau comme une comédie de Shakespeare dessinée par Miyasaki et orchestrée par David Lynch. L’expérience pad en main est elle aussi très addictive et simple comme un bon jeu casual. Certes, la maniabilité souffre de quelques errances, la difficulté est parfois mal dosée mais rien que pour l’audace et la fresque artistique, je dis OUI !

EVALUATION :

Maniabilité : 3
Technique : 3,5
Originalité : 4
Durée de vie : 3,5
Scénario : 4,5

Note : 3,7/5