05 – La valeur d’un test.

Le test est obsolète. C’est toujours un plaisir de lire un texte correct doté d’arguments bien soupesés; mais le fait qu’ils comportent une note finit toujours par gêner. J’ai l’impression que l’on a utilisé notre jardin divers comme terrain d’essai d’une théorie maléfique. Tout à notre époque tend à être jaugé, mesuré, noté. C’est une tendance universelle et via notre hobby l’habitude a fini par s’étendre à tous types de disciplines. Il fut un temps où l’on pouvait causer de divers sujets sur un ton critique sans avoir à sortir les chiffres. C’est pourquoi je vais vous parler le plus délicatement possible de quelques tendances nocives qui découlent de l’emploi de notes numériques dans les critiques proposées par la presse spécialisée. Petit rappel pour ceux qui rejoindraient le marathon en pleine transmission : mon avis n’engage que moi et je décline toute responsabilité si le vortex de vérité qui va vous déferler en pleine poire décape votre cortex.

Le terme même de « testeur » est problématique dans le domaine du jeu vidéo. Il existe une profession qui porte ce nom dans l’industrie vidéoludique. Vous pensez sans-doute à des hipsters barbus à lunettes, parfois un brin girouettes, payés pour applaudir/détruire ce que leurs patrons leur commandent de critiquer. Vous avez bien entendu tort. Les testeurs sont cette bizarre race de guerriers destinés à vérifier sans cesse les beta-versions des titres développés par leurs patrons afin d’en expulser les bugs. Ou bogues, pour peu que vous soyez un marronnier. Pauvres stakhanovistes de l’époque moderne ils sont payés des cacahuètes pour se briser les os sur des versions inachevées de ce à quoi vous jouerez peut-être un jour. Virés sans sommation, taillables et corvéables à merci; ils sont les pauvres gosses en costume de Goofy de l’industrie du jeu vidéo. Avant de commencer de tailler en brèche les « tests » – je fais le mouvement guillemet de mes mains en écrivant ceci, j’ignore précisément pourquoi – publiés par les diverses compagnies des médias vidéoludiques je veux adresser un message à tous ces beta-testeurs qui œuvrent dans l’ombre. Il sera très court.

Je sais que c’est un travail difficile, que nous médisons parfois de vous dans ce que nous faisons. Mais je sais apprécier vos efforts. Vous n’êtes pas responsables de la structure malsaine dans laquelle vous opérez et si l’un ou l’autre bug finit sur les étals, c’est surtout le signe que des centaines de problèmes plus dangereux ont été réglés. Ô guerriers de l’ombre, je comprends votre combat. J’ai parfois l’impression que nous nous battons côte à côte sans jamais nous voir. Un jour, si l’on se croise; je vous payerai un pot. Promis.

Tout d’abord, autant s’expliquer. J’ai l’impression que l’existence des tests de jeux a rendu acceptable l’idée que toute tentative humaine de création artistique devrait tomber sous le joug d’une note. Que celle-ci soit sur cinq, sur dix, sur vingt, sur cent ou en étoiles n’a pas d’importance. C’est la démarche qui me démange. Mon hypothèse repose sur un premier constat : c’est le genre de méthodes qui nous vient des magazines automobiles. Dans le monde glamour et jamais douteux du tout de la critique de produit de consommation l’on tend à user d’arbitraires truelles critiques. Après tout quand la seule réelle fonction de l’exercice est de déterminer la présence de quatre roues sous le fuselage de la Messersschmitt; l’on peut difficilement faire le finaud dans le domaine de la réflexion métaphysique. Mais parler de jeux requiert bien plus d’imagination. C’est une démarche narrative qu’on évalue là, une œuvre interactive aux confins entre le cinéma, la musique et la bande-dessinée. Faudrait pas se tirer dans le pied à la fin de l’article en disant que la boîte à gants est un poil trop petite. Ce serait bête de se vomir dessus en appliquant la quantification de chevaux moteurs à un ouvrage ludique créé par des armées d’artistes. En somme, ce serait très con de faire un simple test.

La technique du « bleuurrrrgh sur dix » me semble réductrice. Son extension à d’autres domaines du divertissement me stupéfie autant qu’elle m’exaspère. Jusqu’il y à peu, les films n’étaient pas réellement notés. Au contraire, ils étaient critiqués. Les livres, eux aussi, évitaient d’être quantifiés. Il allait de même pour la musique, la peinture, l’architecture et le théâtre. En somme, il fut un temps où une bonne moyenne n’était pas l’un des signes de qualité que l’humain cherchait dans ses Trucs et autres Machins. Après tout, une émotion, une sensation, l’efficacité d’un processus de création ne saurait se résumer à une note. Aussi large soit l’éventail proposé pour quantifier la question.

Certaines personnes me diront que j’ai loupé le coche et que c’est justement à cause de l’héritage génétique du jeu vidéo qu’il est traité de la sorte. Après tout, c’est un produit aux confins du jouet électronique et du logiciel informatique. C’est presque un miracle qu’une forme de presse existe sur le sujet. Et là je dis « wooow ». Décochons une pépite de bon sens : tout sujet populaire finira par avoir un marché secondaire basé sur l’activité d’en causer. Claude François avait un magazine. C’est dire. Faut pas se leurrer pour autant sur la valeur des critiques produites par les médias vidéoludiques. Car, double choc : non seulement la note est à côté de la plaque comme jauge critique; elle est tout aussi inefficace comme signal d’alarme au consommateur.

Seuls se vendent les titres populaires; ceux qui ont été implantés à grands renfort de publicité dans la mémoire collective de l’humanité par leurs capacités iconiques. Leur qualité intrinsèque importe moins que celle perçue par ses fans. Tout un temps Lara Croft a pédalé dans la semoule portée par une vague médiatique bâtie autour de son statut de sex-symbole inexistant. La médiocrité de ses titres ne l’empêchait pas de vendre des unités. Les tests, souvent catastrophiques, n’ont rien fait pour endiguer son succès. Mais cela n’a pas non plus empêché les journaux de se parer d’une Lara toujours plus pulmonaire pour continuer à subsister. Tel est bien le réel problème de la presse vidéoludique, elle ne peut subsister sans devoir tout le temps ménager la susceptibilité des sujets qu’elle couvre de ses petits baisers extatiques. Soyons francs, le journaliste spécialisé se sentira toujours plus proche du spécialiste comm’ venu vanter les produits que de son lecteur type. Souvent ils viennent des mêmes écoles. Des mêmes réseaux. Se croisent tout le temps dans ses soirées à petits fours où l’on présente les nouveautés. Ils font partie de la même caste : ceux qui mangent du jeu.

Nous l’avons souligné lors du second chapitre : le monde dans lequel nous vivons est mondialisé et se voudrait post-moderne. (Les observateurs le voient comme en dehors de l’histoire car il leur semble que rien de majeur n’est arrivé depuis la seconde guerre mondiale. Seules les institutions changeront, etc. La théorie est d’ailleurs en perte de vitesse pour diverses raisons dont l’arrivée potentielle d’une révolution massive du mode de vie induite par l’impossibilité de maintenir le système en l’état actuel.) Il aimerait pouvoir faire passer l’intégralité de ce que l’humain produit par une moulinette simple; celle du prix et de la note. À notre époque tout tend à coûter quelque chose et à bénéficier d’une note. Souvent un agrégat d’avis de consommateurs de divers niveaux d’exigence censés donner leur avis sur un produit donné. Au milieu de tout cela, l’on imagine que cette tendance à faire des moyennes finira par donner une valeur numérique crédible au produit ainsi testé. C’est totalement faux. Et assez naïf. J’espère que vous ne l’êtes pas assez pour tomber dans le panneau.

Je vous parlerai d’abord du biais du à l’échantillon choisi pour parler de ces sujets. Il ne serait possible d’obtenir un avis crédible qu’en demandant à tous les acheteurs d’un produit donné de rendre leur avis connu. Cela n’arrivera jamais car seuls ceux qui ont envie d’en causer en causeront afin de noter la chose sur un service quelconque. (Croyez-moi, ils le sont tous). Le biais est donc double : d’une part l’échantillon est fort restreint, d’autre part il n’est constitué que de gens susceptibles de vouloir donner leur avis. Des extravertis, en somme. Ou pire, des gens aux motivations douteuses : producteurs concurrents, robots à critiquer payés par le complexe militaro-industriel pour remonter les moyennes, clients aigris et déçus pour une raison quelconque ou juste de purs idiots incapables d’avoir un avis sur un truc si celui-ci lui mordait directos les parties génitales. Troisième remarque, l’on repart du refrain, les boites qui proposent ce genre de services ne le font pas de manière altruiste. Ils tentent de créer une plate-forme agréable où les gens viennent voir des pubs. Euh, excusez-moi, je voulais dire générer du contenu. Ah, sacré contenu; comme l’on te retrouve. Faisons simple, ces sites sont de gigantesques outils de fichage des goûts personnels de leur public. Leur utilité est avant tout de l’ordre du marketing.

C’est aussi le cas du test, bizarre artefact qui en fin de compte ne sert que l’éditeur. Prenons un pas de côté en moulinant des bras comme le ferait tout bon artiste martial des seventies. Le philosophe guerrier peut voir à l’horizon la technique correcte que l’humain devrait appliquer à ce qu’il peut imaginer : La Critique. Aller au cœur des choses pour trouver leur sens nécessite efficacité et clairvoyance pas mise en page et note sur vingt. Tout test est une opération de séduction. Dans les bonnes publications, l’on tente de créer une forme de connivence entre le lecteur et le rédacteur par le partage d’expériences communes visant à faire penser qu’un consensus s’opère entre l’institution et son utilisateur. Nous sommes d’accord sur ceci alors pourquoi ne pas essayer cela, vous pourriez être intéressé. Ou inversement, si vous êtes comme nous vous en avez marre de tel et tel penchant dans les jeux de maintenant; celui-ci est particulièrement dispensable, évitez-le. Et ça, c’est l’aspect louable de la chose. Cela n’empêche en rien certaines dérives de s’immiscer dans le processus nous en avons causé quelques instants lors du chapitre précédent. Entre les mains d’honnêtes artisans dotés d’un sens du devoir, le format fonctionne. Aussi modeste soit son ambition. Qui, je vous le rappelle, est de qualifier des boîtes à gant et non pas de faire sens du moment.

On ne saurait en dire autant d’une forme assez américaine de critique vidéoludique basée intégralement autour de la notion de service aux entreprises. Les tests made in USA, pour la plus grande partie, rappellent étrangement la propagande de guerre de l’Oncle Sam. Fournir des phrases utilisables sur la jaquette du titre est la règle du jeu. Le lecteur avisé a souvent l’impression que le sacerdoce suivi n’est plus de donner un avis mais bien de produire une phrase susceptible d’être collée sur la boite. C’est précisément pourquoi certains sites ont donné 11/10 au presque sympathique Deadly Premonitions. Le fait d’être sur la jaquette, même celle d’un titre aussi profondément série B que celui-ci, les légitimait dans leur existence. Tout le monde le sait, c’est un club assez fermé que celui des publications susceptibles de dire quelque chose sur la boite. C’est pas forcément le club d’Honneur des Scouts de la Terre du Milieu; mais c’est bel et bien un club. En faire partie a ses avantages. Payés en nature. Par les éditeurs. Pour peu qu’on suive les règles, le travail devient plus aisé à réaliser. Beaucoup moins porté sur l’idée d’informer les gens de manière impartiale, certes, mais bien plus aisé.

J’ai décidé d’utiliser nos amis états-uniens comme exemple facile à comprendre des travers principaux des médias vidéoludiques. Leur marché est immense, uni, susceptible de faire la différence par sa simple puissance démographique. Leurs publications sur le sujet sont toutes ancrées dans cette vision moderne de la poursuite du lol continuel. Elles n’informent pas, mais rebondissent sur l’actualité au gré de ceux qu’elles servent. Pointons du doigt, pour l’exemple, le fait que Game Informer – le plus gros magazine du marché nord-américain – est une publicité payante pour leurs propriétaires de la chaîne de magasins GameStop. En France, la chaîne s’appelle Micromania et organise des événements qu’elle peut couvrir avec son propre magazine et sa propre chaîne de télé. Un magasin actif dans le domaine de l’information. Pensez-y, c’est énorme. Le pire c’est que certaines personnes tombent dans le panneau sans se rendre compte de l’artifice. Encore une fois, ce n’est pas la fin du monde, mais cela explique son état.

Ce sont ceux-là qui ont droit aux exclusivités, vous pouvez compter sur eux pour éviter de dire quoi que ce soit de sensé. Malgré cela leur avis vaut comme sceau de qualité apposé sur les produits de leurs patrons. La précision de celui-ci est limité par la volonté de leurs annonceurs. Ceux-là même qui payent les salaires de leurs rédacteurs. C’est un système assez malsain qui s’appuie en entier sur un clientélisme affiché. Tout action dans ce milieu finira par aider les éditeurs à faire du chiffre d’affaire. Que l’on soit laudatif, ou pas, l’on participe à la machine publicitaire. Ainsi la qualité du commentaire n’importe pas car quel qu’il soit tout le système en profitera. Seul compte l’impératif capitaliste irréalisable à long terme de tenter de vendre davantage que l’année précédente. De temps à autres, l’une ou l’autre organisation y va de son petit scandale. Histoire de se repayer une virginité. L’on apprend alors sidéré qu’une compagnie peut jouer de mille manières légales pour changer un score. Qu’il peut offrir maintes petites boites chatoyantes pour s’assurer d’un avis favorable. Que tout est achetable dans la vie, même ce qu’on aurait pourtant jugé trop anecdotique pour l’être.

Tout est possible, dans le monde magnifique du Jeu Vidéo. Nulle part ailleurs peut-on voir un tel cynisme affiché. Faut leur donner ça, ils sont charismatiques ces petits gars. Grâce à ça leur modèle tente de s’exporter. Morceler le traitement de l’information. Publier les dépêches soi-même pour profiter de l’effet gratuit de la pub virale offerte par les sites et leurs fans. Affaiblir les publications de qualité en les pénalisant pour avoir essayé de jouer les choses de manière régulière. Telle est la Tri-Force des éditeurs. Vous voulez dire du mal du jeu? Oh dans ce cas, vous publierez votre test un poil plus tard. Vous voulez une couverture classe ornée d’un artwork créé par un de nos Coréens? Pas de problème, vous nous donnez combien/10? Tant que ça/10? Fallait pas/10. C’est trop gentil/10. Le meilleur jeu de tous les temps/10? Vraiment/10? L’année prochaine vous devrez rajouter un chiffre de plus/10. Non sérieux/10. On aimerait avoir le premier jeu à choper 12/10. Cela ferait un bien fou à notre moral. Voyez ce vous pouvez faire. Vos goodies à tweeter via Instagram en dépendent…

Par chez nous la situation semble déjà un peu plus saine. Paradoxalement l’aspect confidentiel de la presse spécialisée sur ce sujet garantit en quelque sorte que ses employés tentent de faire les choses correctement. Elles doivent jouer le jeu, c’est logique, mais le font avec assez de panache que pour paraître crédibles. Du moins, pour ceux qui savent lire entre les lignes. Sans le savoir, le joueur de jeu vidéo avide de lecture sur son média devient spécialiste du décryptage inter-textuel. Il – ou elle – sait à terme ce que l’auteur veut dire quand il use de sous-entendus et autres euphémismes. Nous francophones, avons un talent particulier pour la méfiance. C’est dans nos gênes. Nous lisons depuis l’aube des temps et cela a aguerri notre Sens d’Araignée; celui-là même qui nous dit quand un Bouffon Vert essaye de nous vendre une aile furtive en pleine citrouille. Parfois, faire partie d’une culture lettrée aide à se dépatouiller de l’emprise du chiffre. Surtout si celui-ci est utilisé plus par convention que par réelle gaieté de cœur. Je sais pas si vous avez remarqué mais les meilleures publications manient le chiffre avec dérision. Comme un exercice de style. Cela me plait énormément. Je suis assez vite amusé; aussi. Après tout, je critique des jeux.

Il reste cependant un aspect de la situation qui reste inexploré. Une foire étrange aux accords baroques. Un univers interlope où la force fait loi. Je parle bien entendu de la bizarre zone grise des vidéotesteurs. Définissons l’idée pour ceux qui auraient passé les dernières années sous un réfrigérateur. Il s’agit de tests autodidactes réalisés sous format vidéo par des gens qui se sentent l’envie de le faire. Ravi de tant de gratuité – vous voyez ce que je veux dire? – l’internet s’est tourné vers ces gens pour leur demander de penser à leur place. Petit à petit, des clans se sont formés. À leur sommet, des Mini-Genghis Khans. Sous leurs pieds, des centaines de fans. Au milieu, des à peu-près en pagaille. Tout ça au service d’une technique visant à tenter de capturer en direct le ressenti du gameplay. Une telle masse d’efforts force le respect. Cela ne veut pas dire que la technique mise en œuvre soit basée sur quoi que ce soit de factuel ou d’informatif.

Je réserve tout un chapitre à la question de la « célébrité de l’internet » cette bizarre créature translucide qui n’est ni l’un ni l’autre. Il arrive. Mettez vos souliers. Ici je vous causerai de l’extrême aisance avec laquelle l’on peut se payer la bonne volonté d’un vidéotesteur. En gros, cela coûte un jeu. Ce qui n’est pas déraisonnable et rapporte une pub qu’il serait difficile de mieux cibler. L’avantage d’être douteux pour un vidéotesteur est double. Déjà l’autodidacte n’est pas sous embargo, il peut commencer à en causer dès que le jeu arrive. (Ce qui explique toutes ces vidéos de « découverte » approuvées par les éditeurs). Ces gens sont payés par la pub; ne l’oubliez pas. Ce qui explique leur tendance a toujours tiré en premier là où les journaux appliquent ce qui leur reste de méthodologie pour fournir un guide d’achat un peu plus fleuri.

Souvent, à peine le jeu fini, l’autodidacte peut revendre sur le marché de la seconde main son jeu gratuit. Faire cent pour-cent de bénéfice sur trois opérations successives; c’est pas évident. Et pourtant le vidéotesteur y parvient parfois. Pour peu qu’il soit arrivé à s’immiscer un tant soit peu sur la liste de ceux que les éditeurs abreuvent. Remarquons d’ailleurs que la plupart des spécialistes renommés pour leur rapidité et non pas pour leur qualité sont la plupart du temps des employés de magasins de jeu vidéo. La manière dont ils se procurent les titres en avance le reste du temps fait alors sens. Pour être franc, cette pratique-là ne me dérange pas plus que ça. C’est l’enfer bosser dans le tertiaire, je peux comprendre. Qu’ils aient envie de s’installer à leur compte fait sens…

Pour ces diverses raisons la valeur du test est à mes yeux chaque jour amoindrie. Dans un monde juste l’on critiquerait les jeux – et tout le reste d’ailleurs – en les traitant comme des œuvres. Que le mot art rentre ou pas dans le débat n’est pas important. Ce sont des œuvres, créées par des Humains. Seules les productions des machines méritent des chiffres. Tant que le plus gros du traitement de l’information vidéoludique restera sous le joug de grosses corporations cotées en bourse; l’on aura cependant des tests à la place de nos critiques. La nécessité de répondre aux craintes d’investisseurs fébriles à la recherche du profit le plus rapide est bien la main maléfique qui s’active derrière le Magicien d’Oz. Le néo-libéralisme est encore de mise et sa volonté de toujours accélérer les cycles d’investissement en vue de returns les plus immédiats possibles est à accuser. Il fut un temps où l’on voyait le fait d’investir comme une volonté à long terme de participer à la création d’une volonté partagée. Celle de créer de beaux produits, susceptibles de créer du profit sur base de leurs qualités inhérentes. Et non pas sur la manipulation massive de la société afin que les gens aient envie de se le procurer. Tout ça, c’est révolu. Le présent est passé pour dicter notre futur : la recherche éternelle d’une mode sans sens destinée à faire du chiffre. Parfois, subtil artifice, ils sont sur dix.